Lettre d’Uster du 7 février 1871


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Uster, le 7 février 1871,

Chère amie,
Si je t’écris ces quelques mots, c’est pour te donner de mes nouvelles et recevoir des tiennes, car il y a déjà longtemps que je n’ai rien reçu de toi ; mais j’espère que maintenant les lettres nous parviendront beaucoup mieux.
Je pense que tu dois peut-être savoir que à la suite de la retraite de Héricourt nous avons été obligés de venir rendre nos armes à la Suisse et nous rendre prisonniers de guerre.
Dans les environs de Belfort, dans ces endroits nous nous sommes battus avec les Prussiens, l’on est venus à Besançon et de Besançon nous avons pris la route de Pontarlier petite ville qui est sur la frontière de la France. Pas plutôt que nous avons eu quitté Besançon l’on s’est trouvé dans des montagnes dans lesquelles tout l’hiver il y a presque 2 pieds de neige ; tout le long des routes il y a des piquets de planté pour que l’on ne s’égare pas au travers des neiges ; les habitants de ces départements transportent toutes leurs marchandises sur des traîneaux, il y a aussi dans ce genre des jolies voitures bourgeoises,
Quand nous avons eu déposé nos armes et nos munitions entre les mains des soldats de la Suisse à Verrières nous avons marché à pied jusqu’à Neuchâtel et ensuite l’on nous a fait monter en chemin de fer jusqu’à Uster, canton de Zurich.
Dans tous les endroits que nous avons passé en Suisse, nous avons été très bien reçus des habitants. Dans un petit village, nous avons couché dans une église en venant à Neuchâtel ; monsieur le curé disait aux demoiselles qui nous apportaient la soupe et du café : « Allons, mesdemoiselles, faites voir que par votre bonté vous valez bien les filles Françaises ; mais aussi la soupe, le café, le chocolat ne manquaient pas, et des cigares à fumer autant que l’on en voulait . Il y a des jolis villages ici et de très belles maisons presque toutes garnies de un ou deux paratonnerres ; les gens sont bien affables, mais très peu parlent Français, ils parlent presque tous l’Allemand, c’est impossible de comprendre ce qu’il vous disent.
Je suis content d’être ici maintenant, je ne devrais cependant pas oser le dire à cause des malheurs de la France, mais notre misère était trop grande auparavant.
Quand nous serons bien organisés nous pourrons aller nous promener quelques moments dans le village pour se distraire ; l’on n’est pas mal nourri : nous mangeons la soupe à 11 heures le matin et à 6 heures le soir.
Quant à ce qui ce passe en France maintenant je n’en sais rien, mais je pense que l’on est en train de traiter la paix, j’espère que ça se rangera bientôt et que je pourrai aller te voir dans peu de temps.
Voila tout ce que je puis te dire pour le moment ; tu diras bonjour pour moi à ton père, ta mère et ta sœur. Je suis toujours en bonne santé, j’espère que la présente te trouve de même et aussi ta famille.
En attendant le plaisir que je puisse aller te voir. J’ai l’honneur d’être un de tes amis qui t’embrasse de tout son cœur.
Roussillon Claude

Mon adresse est à Uster, canton de Zurich, Suisse, garde mobile de l’Isère.

Sylvie Chatelain Mariaux © 2010 - 2024 Mentions légales